L’écologie ne doit pas être la grande oubliée des élections européennes
Alors que le quinquennat de la Commission Von der Leyen s’achève, la campagne des élections du Parlement européen s’amorce doucement mais sûrement. Les partis du groupe PPE (Parti populaire européen), groupe majoritaire au Parlement européen, devraient revendiquer leur gestion inédite de la crise Covid-19, mais surtout le lancement du Green Deal, ou Pacte vert européen. Politique ambitieuse dans la lutte contre le réchauffement climatique dotée d’un plan d’action à 1000 milliards d’euros sur une dizaine d’années, il s’agit probablement d’une des politiques les plus ambitieuses de l’histoire de l’Union européenne.
Du fait d’imperfections et d’éléments discutables quant à la mise en œuvre, on pourrait s’attendre à ce que les candidats aux élections du 9 juin prochain se saisissent de la question écologique pour la mettre au premier plan. Pourtant, en France, cette question occupe une place de second plan au sein des différentes campagnes, derrière les guerres russo-ukrainienne et israélo-palestienne, ou encore le retour récent et fracassant de la dette au niveau national. Difficile de s’en étonner. En 2022, lors des élections présidentielles, le sujet ne semble déchaîner ni les foules, ni ses représentants. Sur l’ensemble de leur précieux temps de parole, Les Républicains se sont dressés contre « l’écologie punitive », Reconquête a proposé de favoriser la voiture comme moyen de transport et le Rassemblement national a rouspété contre les éoliennes.
Mais tout n’est pas perdu. Récemment, de belles initiatives ont vu le jour, comme l’organisation par le groupe ChangeNOW d’un débat centré exclusivement sur les préoccupations écologiques européennes. Et même si l’évènement n’a pas fait la une des journaux et que seules trois têtes de listes (Manon Aubry, Marie Toussaint, et Xavier Bellamy) s’y sont présentées, le cadre a permis un débat plus riche et plus technique que d’ordinaire. Encourageant pour la suite ? Sans aucun doute. Mais pas plus. Le RN (Rassemblement national), pas réputé pour ses prouesses écologistes, trust désormais 31-32 % des intentions de votes dans les sondages. À l’inverse, les écologistes européens stagnent, voire régressent à 6%. Preuve que l’écologie n’est toujours pas un moteur. Et ce malgré les vertigineuses hausses des températures en 2023, année la plus chaude enregistrée sur terre, les sécheresses à répétition, feux de forêts, et autres catastrophes naturelles impactant de plus en plus nos vies…
Des avancées importantes, mais des reculs inédits ces derniers mois
Un Green Deal symbole d’espoir
La Commission Von der Leyen aura au moins mis en place le Pacte vert, la feuille de route destinée à mener le continent et son marché unique vers la neutralité carbone en 2050. Sans juger la mise en œuvre et les résultats obtenus, le fait même de qualifier la protection de la planète comme « notre défi le plus pressant » et d’y associer des objectifs si ambitieux relève de l’inédit. Jamais une Commission n’avait tant pris l’écologie au sérieux, et envisagé un tel bouleversement de son marché, de la finance, mais aussi de la société dans ses pratiques et priorités. Il s’agissait alors d’élaborer des plans massifs de rénovation des bâtiments, de développer les énergies renouvelables, de restaurer les écosystèmes marins et terrestres, d’arrêter la déforestation, de multiplier les modes de transports décarbonés, et bien plus encore. En termes budgétaires, les Vingt-sept ont communément emprunté 750 milliards d’euros (NextGenEU) — pour la première fois de l’histoire — suite à la crise du Covid-19 pour relancer les économies européennes, à la condition que les investissements remplissent les objectifs de verdissement de l’Union. Deux ans plus tard, l’agression de Vladimir Poutine en Ukraine déclenche un mouvement sans précédent d’émancipation des combustibles fossiles russes. En parallèle, l’Union européenne a drastiquement augmenté sa consommation finale d’énergies renouvelables, passant de 9,6 % en 2004 à 21,8 % en 2021, et vise désormais les 42,5 % d’ici 2030. Si l’objectif paraît présomptueux, notons que la Commission ambitionnait 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale des européens en 2020. Un gage de fiabilité. Il y a peu, l’UE est même sortie du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), texte donnant la possibilité aux multinationales et investisseurs la possibilité d’attaquer en justice les gouvernements en cas de modification de leur politique énergétique. Nonobstant ces avancées, l’UE subit un nombre de revers conséquents ces dernières semaines, laissant planer le doute sur l’avenir écologique du continent.
La politique agricole commune, ou l’étincelle à l’origine du feu de bois
Depuis sa mise en place en 1962, la PAC est vraisemblablement le dispositif le plus emblématique de l’Union. Il représente un tiers du budget européen (387 milliards d’euros sur 1 074 milliards entre 2021 et 2027) et symbolise la souveraineté alimentaire européenne. Désormais, la politique écologique de l’UE s’y joue. Depuis 2013, certaines mesures conditionnent le versement des aides directes aux agriculteurs à une agriculture biologique plus respectueuse de l’environnement. Le 1er janvier 2023, une nouvelle réforme de la PAC est publiée, renforçant le conditionnement de ces aides directes : « Les agriculteurs qui enfreignent la législation de l’Union européenne en matière d’environnement, de santé publique et animale, de bien être des animaux ou de gestion des terres voient leurs aides diminuer et s’exposent à d’autres sanctions » précise la Commission européenne. Les normes environnementales se sont également accrues, particulièrement pour la rotation des cultures, les prairies, l’érosion des sols ou encore la protection des zones humides et des tourbières. Aussi, des primes à l’agriculture biologique, l’agro-écologie et au stockage de carbone ont été mises en place. Si les objectifs semblent les bons, il persiste une ignorance du quotidien et des contraintes des agriculteurs, notamment lorsqu’ils exploitent de plus petites parcelles et sont soumis à des difficultés financières. Si les normes se justifient par l’urgence, elles se heurtent aux accords de libre-échange entre l’UE et des pays d’Amérique du sud ou d’Afrique, instaurant une concurrence faussée par des normes plus souples attribuées aux pays tiers, tirant automatiquement les prix vers le bas. Certains de ces accords ont été signés a posteriori des nouvelles versions de la PAC, parmi lesquels le Mercosur, facilitant l’arrivée de produits agricoles sud-américains, ou l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. Plus récemment, l’UE a signé deux nouveaux accords avec le Kenya et le Chili.
Naturellement, il faut mettre un terme à cette concurrence injuste sur le plan environnemental et social. Revenir à une agriculture locale permettant aux agriculteurs d’adapter leurs exploitations au « défi le plus pressant », sans pâtir d’une concurrence déloyale étrangère. Pourtant, face aux manifestations du monde agricole, la Commission européenne décide simplement d’affaiblir radicalement les normes environnementales. Elle réduit les exigences de rotation des cultures, technique permettant notamment de planter sans utiliser des engrais et autres produits chimiques. Elle supprime l’obligation de mise en jachère de 4 % des parcelles des exploitations, méthode évitant la surexploitation des sols. Elle exempte de conditionnalité environnementale les petites exploitations. Pourtant responsable de 10 % des rejets totaux de CO2 dans l’Union européenne, l’agriculture se retrouve donc soudainement amputée de ses nouvelles missions environnementales. Et les désillusions ne s’arrêtent pas là…
Une liste de mauvaises nouvelles qui s’alourdit à vue d’œil
Tandis que l’exploitation humaine a dégradé plus de 80 % des habitats naturels européens, le projet de règlement sur la restauration de la nature oblige les États membres à restaurer au moins 20 % des écosystèmes marins et terrestres d’ici 2030. Malheureusement, le PPE s’est opposé avec vigueur à ce projet, le jugeant trop ambitieux, forçant un compromis débouchant sur une version nettement édulcorée du texte. Ainsi, l’objectif de restauration des terres agricoles et de réhumidification des tourbières, élément clé dans le stockage du carbone dans la nature, a été rendu moins contraignant. Une « suspension temporaire » de l’objectif de restauration des écosystèmes agricoles est même prévue en cas d’évènement impactant négativement la production alimentaire. Grâce à ces compromis, le texte a été voté en assemblée plénière au Parlement européen. Néanmoins, et malgré les trilogues, le texte n’a pas obtenu la majorité nécessaire en Conseil des ministres, suite à l’opposition des représentants hongrois, néerlandais, italiens, suédois et polonais. Le vote a donc été reporté ultérieurement, marquant un nouvel échec sur la route du Pacte vert.
Dans la liste on retrouve aussi le règlement sur la déforestation importée. Adopté en décembre 2022, et sensé entrer en vigueur fin 2024, l’application légale du texte pourrait être temporairement suspendue suite à un appel conjoint de l’Autriche, la France, l’Italie, la Pologne et la Suède. Ce règlement doit mettre fin à l’importation de produits issus de la déforestation sur le continent européen. Dans ces produits, on peut par exemple citer le cacao, le café, le soja, l’huile de palme, le bois, la viande bovine ou encore le caoutchouc. La suspension temporaire est justifiée en ce qu’elle offre plus de temps aux agriculteurs, forestiers et États membres pour s’adapter à la nouvelle réglementation. Pourtant les forêts sont de puissants capteurs de CO2 et abritent une biodiversité vitale. Et paradoxalement, Emmanuel Macron a récemment décerné la Légion d’honneur au leader autochtone Raoni, un des plus grands défenseurs de la forêt, faisant ainsi preuve d’une incohérence notoire. Notons également que suspendre temporairement un texte ne garantit absolument pas que le texte restera inchangé en l’attente de sa remise en application. C’est, au contraire, l’occasion pour de nombreuses parties prenantes (entreprises, lobbys, gouvernements, parlementaires…) de modifier le règlement, et de le vider de sa substance.
En outre, d’autres phénomènes inquiétants s’ajoutent à ces reculs législatifs. Sur le marché du carbone, le prix de la tonne de CO2 a diminué quasiment de moitié en un an. En février 2023, acheter un droit à polluer d’une tonne de CO2 coûtait 95,11 €, tandis qu’il coûtait seulement 52,43 € en février 2024. Un prix aussi faible réduit la pression sur les entreprises polluantes pour changer leur mode de production en investissant dans des technologies moins polluantes. Sur le marché des énergies renouvelables, la production n’est quasiment plus assurée par des usines européennes. Celles fabriquant les panneaux et les éoliennes ont été délocalisées aux États-Unis, ou en Chine, lorsqu’il ne s’agit pas déjà d’une entreprise chinoise. Cet exode s’explique par la lenteur administrative bruxelloise, qui peine à rectifier le tir, laissant les avantages comparatifs chinois peser sévèrement sur notre capacité à assurer notre souveraineté énergétique.
L’écologie encore au second plan
Le quasi monopole des sujets géopolitiques
Malgré l’organisation de deux débats centrés sur l’écologie, — par ChangeNOW et les Shifters — sur les réseaux sociaux, les médias traditionnels et plus généralement dans la société civile, les sujets motivant le plus sont la géopolitique et le pouvoir d’achat. En 2023, les sujets les plus mentionnés sur les réseaux sociaux sont le conflit israélo-palestinien, la réforme des retraites et le conflit en Ukraine. En 2022, Sonia Metché, directrice d’études d’Onclusive France, écrit que l’Ukraine « […] a représenté 27 % des sujets à la une sur l’ensemble de l’année ». Sans minorer la gravité des conflits, des pertes humaines et des menaces directes pesant désormais sur le continent européen, les discussions autour de ces questions sur les plateaux télé et autres médias prend trop souvent le pas sur l’environnement. Puis, ces sujets sont souvent traités par le prisme de l’identité. Concrètement, si la guerre entre les terroristes du Hamas et Israël relève d’une menace inquiétante pour la stabilité mondiale, le droit international et le respect des droits humains, elle tend généralement à susciter des réactions d’ordre identitaire et religieux, exacerbant la querelle européenne entre les défenseurs d’une communauté musulmane supposément sous le joug d’une société occidentale pathologiquement anti-islam, et une société à tradition chrétienne aveuglément sioniste, rongée par la culpabilité, étant donné l’antisémitisme mortifère du XIXe et du XXe siècle dont elle fut l’auteure, et dont les conséquences mêmes débouchèrent sur la création d’Israël. De son côté, la guerre en Ukraine menace réellement notre approvisionnement en énergie et la sécurité physique du continent. Rares sont cependant les débats intervenus sur la création d’une armée européenne, élément, à mon sens, le plus important, et de loin.
Le changement climatique intègre aussi par moments l’agenda médiatique. Hélas, il s’agit plus souvent de réactions a posteriori de catastrophes naturelles sur notre sol que la mise en valeur de travaux anticipant ces catastrophes. En 2022, le climat est le 3e sujet le plus médiatisé, précisément parce que la France subit des incendies ravageurs en Gironde et dans les Landes détruisant des logements. Récemment, les inondations dans le Nord ont attiré l’œil du public. Mais l’évocation de ces sujets ne dure pas assez longtemps. À l’heure actuelle, dans le cadre des européennes, on voit bien plus s’opposer les opinions tranchées des candidats au sujet de Gaza qu’au sujet du sauvetage du Pacte Vert. L’Union européenne ne peut pourtant rien faire au Proche-Orient, si ce n’est voter des résolutions. Et en attendant, la planète brûle.
Un électorat désintéressé des questions environnementales ?
Logiquement et heureusement, les français ne s’intéressent pas uniquement à des sujets impliquant directement la politique française et européenne. Outre les conflits à l’étranger, ils discutent aussi massivement des scandales du forcené Donald Trump (12e sujet le plus traité en 2023), du film Barbie (15e) ou encore des tractations autour du transfert de Kylian Mbappé (10e). Si les faits montrent une absence de changement des pratiques suite au dérèglement climatique, les français semblent théoriquement préoccupés par ce phénomène, et ce parfois autant que leur pouvoir d’achat. On peut d’ailleurs supposer que les deux s’auto-entretiennent. D’après une étude réalisée par Ipsos en septembre dernier, 90 % des français se disent prêts à agir en faveur du climat, mais un tiers d’entre eux se trouve freiné par le manque de moyens financiers. L’étude souligne qu’un français sur deux répond tout juste à ses besoins essentiels, voire pas du tout. En France, l’éco-anxiété se développe. 80 % des français se disent inquiets d’après le CESE (Conseil économique social et environnemental). À l’inverse, l’instabilité géopolitique ne préoccupe que 22 % des français. Instabilité qui préoccupe principalement les personnes âgées (28 % de ces derniers). À titre de comparaison, le pouvoir d’achat inquiète bien plus les moins de 60 ans. La population âgée se désintéresse des enjeux vécus directement par la majorité des citoyens, tels que l’environnement, mais également le système des retraites et l’inflation. Elle discute simultanément plus des conflits extérieurs. Paradoxalement, c’est aussi elle qui vote le plus.
Ce sont donc les jeunes, masse abstentionniste et inquiète pour son avenir qui doit être visée par la campagne des européennes. Alors pourquoi ne pas centrer exclusivement les débats sur cette alliage nécessaire entre pouvoir d’achat et actions écologiques à toutes les échelles ? D’autant plus qu’au niveau européen, l’augmentation du coût de la vie et l’environnement sont également des questions dont se soucient les citoyens. D’après un sondage CSA (Consumer Science Analytics), la transition énergétique est vécue comme une menace pour le pouvoir d’achat par près d’un tiers des européens, « avec des réserves encore plus prononcées pour les français ». 77 % des européens déclarent que la transition énergétique constituera un élément important de leur vote pour les prochaines élections. Un quart juge même le sujet prioritaire. Il existe donc un réel intérêt pour l’écologie, mais insuffisamment exploité par les médias et les candidats. La sécurité, l’immigration et la géopolitique prennent proportionnellement trop de place. Les protagonistes de ces élections doivent tirer les leçons des dernières élections présidentielles, où, pour rappel, le temps de parole ne s’était que trop peu dirigé vers l’environnement. Durant la campagne du premier tour, l’environnement n’est que le huitième thème le plus traité par les candidats. Lors du débat final, l’échange d’invectives sur le changement climatique n’aura duré qu’une poignée de minutes. Les candidats aux européennes doivent changer cette tendance, et être enfin à la hauteur des enjeux.
L’écologie : une prérogative européenne menacée par l’ultra domination de l’extrême-droite
S’il y a aujourd’hui une certitude, c’est que l’extrême-droite se rendra aux urnes. L’occasion est trop belle pour eux. Jordan Bardella jouit d’une montée constante dans les sondages d’intentions de votes. En plus de partager une volonté de « préférence nationale » avec Emmanuel Macron, le candidat RN (Rassemblement national) joue aussi la carte de l’absence des débats pour susciter l’intérêt. Et rien ne paraît pouvoir enrayer son ascension. Le parti a envoyé sa plus grande star. Sympathisants comme militants se rangent autant derrière le RN que derrière cette personnalité jeune, dynamique et, paraîtrait-il, concernée par la France rurale. Parmi tous les candidats, il est, avec Marion Maréchal Le Pen, le seul à faire la quasi-unanimité parmi ses sympathisants avec 93 % de bonnes opinions. À titre d’exemple, Manon Aubry n’obtient que 65 % de bonnes opinions chez les sympathisants de La France insoumise. Depuis son ras-de-marée aux législatives en 2022, le RN se fabrique une image respectable. Au-delà des costumes à l’Assemblée nationale, le parti a développé un discours sur l’écologie sortant du climato-scepticisme. Il capitalise sur la frustration des français ruraux comme les agriculteurs, les chauffeurs routiers et les artisans pour dénoncer les attaques faites à la voiture individuelle. Sans prôner autre chose que le développement du nucléaire et la destruction des éoliennes (proposition scientifiquement irréaliste, mais la science n’intéresse pas ce parti), le RN veut défendre les opprimés d’une France urbaine où l’écologie se pratique bien plus facilement à Paris. Difficile de leur donner tort sur le constat. De plus, la guerre en Ukraine leur a offert l’opportunité de développer des arguments mêlant souveraineté nationale et production d’énergie. Quand il n’est pas invité à parler d’écologie, c’est-à-dire la majeure partie du temps, Jordan Bardella, ou un membre de sa liste, promet des changements inhumains en matière de politique migratoire ou garantit un meilleur pouvoir d’achat pour ses concitoyens, profitant du manque de sérieux budgétaire du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.
À mon sens, il faut cesser de jouer sur l’agenda des médias et de l’extrême-droite. Les sujets identitaires et d’immigration, au-delà de leur impertinence sur le plan européen, sont les questions principales qui motivent leurs électeurs. En revanche, l’écologie déstabilise l’extrême-droite, et c’est pour ça qu’il faut aller vers ce domaine. Elle maîtrise peu ce sujet technique ne nécessitant pas la propagation d’une haine de ses semblables et de la peur de phénomènes irrationnels, parfois irréels. Une chose est sûre, si elle s’en sort, l’extrême-droite œuvrera sans relâche pour éliminer les objectifs et normes du Pacte vert. Motivée principalement par le ressentiment, elle fera ce qu’elle a toujours fait : elle détruira.
Conclusion
Les élections européennes du 9 juin prochain sont vraisemblablement les plus importantes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En parallèle d’un monde où la haine de l’autre se renforce à mesure que les conflits font rage, « notre maison » ne cesse de bruler. Elle brûle déjà depuis un certain temps, et les efforts faits jusqu’ici ne suffisent en rien à atténuer les catastrophes qui se multiplient. Les étés caniculaires, sécheresses à répétition, inondations dévastatrices s’accentuent à un rythme déjà insoutenable pour la plupart et commettent des dégâts irréversibles dans la vie des ménages et dans l’organisation de la société. Dans ce cadre, l’Union européenne n’a jamais joué un rôle aussi crucial. La direction qu’elle empruntera déterminera très largement notre avenir. Il existe trois voies. La première, celle d’un statu quo de centre-droit ordo-libéral (Renaissance, PPE) fondé sur la conviction délirante que la rigueur budgétaire, les incitations entrepreneuriales, mais surtout l’innovation nous permettront d’inverser la tendance et de préserver une société d’ultra-consommation nourrie aux énergies vertes. Cette voie, scientifiquement irréaliste et clientéliste, persuadée que la nature n’est qu’une variable parmi d’autres, n’a jusqu’ici pas été à la hauteur des enjeux. La deuxième voie est celle de l’extrême-droite (CRE, I&D). Ses idées écologiques ne visent qu’à manipuler des populations méprisées et divisées par des mesures précarisantes entreprises par le centre-droit depuis des années (la PAC, les traités budgétaires, l’assouplissement du marché du travail…). Convaincue, elle aussi, que l’innovation sauvera la planète, l’extrême-droite ne s’activera qu’au détricotage de mesures écologiques jugées trop pesantes. La troisième voie, celle du centre-gauche et de la gauche (S&D, la Gauche, les Verts), est la seule mesurant réellement les enjeux du changement climatique et donc de ces élections. Perfectible à bien des égards, chaque groupe qui la compose propose cependant des idées radicales pour améliorer le Pacte vert. Il n’y a qu’un débat productif et démocratique entre les différentes sensibilités qui permettra de maintenir le cap, mais surtout d’adapter enfin notre société face au défi du siècle.
C’est donc à cette troisième voie qu’incombe le devoir d’élever le débat au cours de cette campagne. Imposer l’agenda environnemental comme priorité de ces élections, sans pour autant abandonner les sujets géopolitiques qui mettent en jeu notre sécurité, et sans ignorer la question identitaire et migratoire qui suscite l’intérêt de nombre de concitoyens. Le climat est l’urgence absolue. Avant même d’être dépendants de la Russie, nous étions, et sommes toujours dépendants des énergies fossiles. Cette dépendance nous rend vulnérables et inaptes au changement. Elle nous maintient dans un état de procrastination que nous ne pouvons plus (et depuis longtemps) nous permettre.